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[REFLEXION] OPA sur le Groenland :

Une esquisse du monde de demain

2 – Un impératif stratégique pour Donald Trump

La Maison Blanche et sa nouvelle équipe sont le centre de toutes les attentions et suscitent inquiétudes, interrogations, doutes, craintes ou passionnalités de toutes sortes. Les mouvements de ligne, l’inconnu et les effets de surprise perturbent les chancelleries et les organisations internationales.

Seulement, le bruit émis par les médias et l’agitation de la classe politique mondiale voilent une réalité difficile à admettre par les observateurs : 

Trump a une vision.

Une vision patriotique, transactionnelle, entrepreneuriale et financière au service d’une ambition unique et obsessionnelle : la grandeur impériale de l’Amérique.

Raison pour laquelle il détricote le multilatéralisme, ancré dans les relations internationales depuis la Seconde Guerre Mondiale pour contenir les ambitions et réduire les probabilités de guerres à grande échelle. Son procédé est simple et finalement pas si éloigné des habitudes de la diplomatie américaine, juste plus théâtrale et médiatique : il adresse un sujet, il vise un adversaire et installe un rapport de force, s’appuyant sur le levier d’Archimède qu’est la puissance américaine (militaire, diplomatique, économique, dollar…) pour atteindre son objectif.

Cependant, toutes les annonces ne sont pas des buts à atteindre, mais parmi elles figurent des impératifs qui paraissent stratégiques aux yeux de Trump, comme par exemple l’énergie, l’économie, le dollar, l’enrichissement du pays et des citoyens, l’autorité, la puissance, la souveraineté…

Le Groenland, dès le début de son premier mandat, est un des sujets stratégiques de Trump.

Les ressources énergétiques

Le Groenland est entouré de réserves d’hydrocarbures. Les Russes exploitent d’un côté le plus grand champ gazier du monde, Yamal, la mer du Nord dans le prolongement et le Canada sur son flanc Ouest. L’appétit de Trump pour les sources d’énergie carbonées est nettement revendiqué, démonstration faite par la nomination comme Secrétaire à l’Energie d’un dirigeant d’une société de fracturation hydraulique, la sortie de l’accord de Paris ou encore la relance de l’exploitation pétrolière sur le sol américain encouragé par le slogan « Drill baby, drill ». A ce titre, les eaux territoriales et le sous-sol groenlandais sont très séduisants aux yeux de Trump, car il lui faut du pétrole en abondance pour l’industrie et une essence peu chère dans les stations-service.

Rapport d’information du Sénat n° 684

Le passage du Nord-Est

Cette route maritime se profile comme l’une des plus importantes dans les années à venir pour les porte-containers chinois. D’un passage praticable quelques mois dans l’année, sous l’influence du réchauffement climatique, ce passage du Nord-Est sera utilisable pratiquement toute l’année d’ici deux à trois décennies.

Il présente plusieurs avantages, considérables, pour la Chine. Cette dernière possède 6 des plus importants ports au monde, pour recevoir, entre autres, le gaz ou le pétrole qui lui sont indispensables (la Chine possède peu de ressources hydrocarbures), et les vraquiers pour les matières premières. Par ailleurs, elle reste encore aujourd’hui la principale « usine » du monde, et ses ports sont les principales portes de sortie de produits finis, avec pour destinations privilégiées les Etats-Unis et l’Europe.

Cette nouvelle route vers l’Europe est plus courte d’un quart, source d’économies significatives pour le transport maritime, réduisant par ailleurs la piraterie, notamment au large des côtes d’Afrique de l’Est, et permet d’éviter le péage de Suez. Par ailleurs, l’usage des eaux territoriales russes, s’accompagne d’une flotte de brise-glaces nucléaires de dernière génération pour faciliter le passage et étendre son usage dans l’année.

La Chine, toujours inscrite dans le temps long, souhaitant saisir cette opportunité pour s’affranchir des passages de Malacca et de Suez, ambitionne de développer ce qu’elle nomme « la route de la soie polaire ».

Poste de vigie 

Le Groenland est le poste de vigie face au passage de deux autres routes, celle des navires et des sous-marins russes, et celle des missiles intercontinentaux russes (ICMB) et, peut-être demain, iraniens.

La plus grande base de sous-marins, la base navale de Zapadnaïa Litsa, se situe à l’Ouest de la péninsule de Kola, à 45 kilomètres de la Norvège. Le Groenland est ainsi la porte d’entrée sur l’Océan Atlantique.

Par ailleurs, dans un précédant post, la base spatiale de Pituffik avait été mentionnée pour son rôle stratégique face au risque de lancement de missiles russes, ou iraniens. En effet, le Président Trump tient à moderniser le concept de Ronald Regan lancé en 1983 : le projet Starwars. Ce bouclier anti-missile repose sur sa capacité à observer et détecter, puis intercepter. Il faut par conséquent toute une série de « capteurs », des radars terrestres, comme celui de Pituffik (ou prochainement sur l’île de Guam), associé à une constellation de satellites dédiés (en cours de développement) capable de repérer par infrarouge les missiles hypersoniques.

Les terres-rares, la nouvelle guerre économique

Les terres rares sont constituées de 17 éléments, 15 lanthanides ainsi que le Scandium et l’Yttrium. Il faut distinguer les terres rares légères, utiles pour leurs propriétés magnétiques exceptionnelles, des terres rares lourdes pour repousser le point de température où les aimants perdent leur magnétisme. Les terres rares ne sont pas si rares, elles sont présentes partout dans la croûte terrestre. Leur rareté réside dans leur très faible concentration, qui nécessite l’extraction de grands volumes de matériau. Globalement l’extraction, la purification, le traitement et la séparation des terres rares sont coûteux en énergie, en eau et en produits chimiques polluants.

Les terres rares sont essentielles pour la production des téléphones portables, des disques durs, des écrans, des téléviseurs, des microprocesseurs, des turbines d’éoliennes en mer, des moteurs de voitures électriques et hybrides, des appareils médicaux, des robots, des laser, des pots d’échappement, des verres fluorés, pour l’aéronautique, les traceurs radioactifs, les supraconducteurs à haute température, l’armement…

La consommation de terres rares va être multipliée par 7 d’ici 2040, selon l’Agence Internationale de l’Energie

Pour les grandes économies de la planète, il est urgent d’avoir un accès privilégié au terres rares, car une rupture d’approvisionnement peut prendre l’aspect d’une crise majeure, comme le manque d’énergie, d’eau, de nourriture, d’acier, d’aluminium… Raison pour laquelle l’hyper-dépendance à la Chine devient problématique.

Le Groenland serait donc une « terre de chasse » qui suscite des convoitises de plus en plus ouvertes. Cette terre, eaux territoriales comprises, devient donc un enjeu géopolitique. Les huit pays riverains, membres du Conseil de l’Arctique, les Etats-Unis, la Russie, le Canada, la Norvège, le Danemark, la Suède, la Finlande et l’Islande, mesurent ce nouvel intérêt, avec des positions différentes, certaines volontaristes, d’autres défensives. La Chine quant à elle, s’estime être légitime de revendiquer une place d’Etat « quasi Arctique », aujourd’hui simple « observateur », depuis 2013. De plus, la Chine y possède déjà une licence pour exploiter des ressources.

Les Etats-Unis, par la voix de Donald Trump, ne s’y trompent pas, le Groenland est devenu une priorité stratégique, qu’il faut posséder et exploiter, pour ainsi refouler et maintenir à distance les appétits chinois. Déjà en juillet 2020, le chef de la diplomatie américaine de l’époque, Mike Pompeo, Secrétaire du Président Trump, s’était rendu au Danemark où il avait insisté sur « la nouvelle compétition » à l’œuvre dans l’Arctique, visant ainsi la Chine et sa « route de la soie polaire ». Un mois plus tôt, les Etats-Unis, ont rouvert un consulat à Nuuk, la capitale du Groenland, 67 ans après l’avoir fermé. Le gouvernement groenlandais venait d’accepter une aide financière des Etats-Unis de 12,1 millions de dollars, pour des projets civils. 

La guerre des semiconducteurs s’est ouverte depuis la présidence Biden, et va s’intensifier à mesure que les menaces se rapprochent et deviendront concrètes autour de l’île de Taïwan. L’urgence est à la relocalisation en Europe et aux Etats-Unis des usines de fabrication, les fonderies, la conception étant principalement basée aux Etats-Unis. Et le plus important fondeur de la planète, tant au niveau de la miniaturisation que sur les avancées et maitrises technologiques, est le taiwanais TSMC. Et plus les puces sont sophistiquées, et plus il est complexe de les fabriquer, les Chinois en savent quelques choses. Par conséquent, un événement militaire non-désiré à Taïwan poserait de sérieux problème à la planète entière, dépendante au plus haut point de ces pièces électroniques.

A l’image de la catastrophe de Fukushima, qui avait mis à l’arrêt, pendant des mois, une PME nippone spécialisée dans une puce spécifique nécessaire aux GPS, tous les constructeurs automobiles mondiaux se sont retrouvés dans l’incapacité de livrer des GPS, même aux véhicules haut de gamme. Un envahissement de Taïwan affecterait la production et la distribution de l’énergie, le fonctionnement des entreprises et des agences gouvernementales, les véhicules, les GPS, les télévisions et les services audiovisuels, les satellites, les ascenseurs, les terminaux de paiement… En résumé, toute l’économie mondiale. Et qui se cachent derrière les semiconducteurs : les terres rares.

Les réserves estimées par l’US Geological Survey en 2024 n’ont pas évoluées par rapport à 2018.

Pour illustrer cette inquiétude stratégique, il suffit d’observer la dernière déclaration de Trump sur ce sujet, le 10 février 2025, qui annonce « réclamer », en échange de l’appui militaire et financier à l’Ukraine, estimé aux environs de 150 milliards de dollars, un équivalent en terres rares pour un montant de 500 milliards de dollars. L’Ukraine renfermerait dans ses sous-sols près de 22 millions de tonnes, soit le deuxième ex-aequo des réserves mondiales. C’est également une forme de rapport de force que le Président américain installe, à la fois vis-à-vis de l’Ukraine que de la Russie, avant le début des négociations pour mettre un terme à cette guerre.

La Chine est loin en tête du classement des réserves de terres rares, et également dans sa capacité à les exploiter. Il faut noter que plus des deux tiers des réserves se trouvent en Asie.

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