L’information
La dernière élection présidentielle du 28 juillet dernier est, une nouvelle fois, contestée par l’opposition et la communauté internationale. Maduro fut déclaré vainqueur avec 52 % des voix, lui ouvrant l’exercice d’un 3èmemandat, sans décompte exact ni procès-verbaux des bureaux de vote. L’opposition, quant à elle, clame sa victoire à 60 % sur la base de documents électoraux fournis par ses propres scrutateurs.
Ce qui offre une opportunité pour Maduro de s’apitoyer sur une tentative de « coup d’Etat ».
Cette réélection a provoqué d’importantes manifestations, sévèrement réprimées.
« Chaque jour où vous entravez la transition démocratique, les Vénézuéliens souffrent d’un pays en crise et sans liberté. S’accrocher au pouvoir ne fait qu’exacerber les souffrances de notre peuple. Notre heure est venue », a dit M. Gonzalez Urrutia, discret diplomate qui a remplacé la cheffe de l’opposition Maria Corina Machado, déclarée inéligible à la présidentielle, vivant tous les deux dans la clandestinité après être l’objet d’une enquête pénale du parquet pour « incitation à la désobéissance aux lois, incitation à l’insurrection, association de malfaiteurs ».
En l’absence de preuves et d’observateurs internationaux, les suspicions de fraudes sont nombreuses à travers le monde, essentiellement dans le monde occidental. La #Colombie et le #Brésil se sont affichés favorables à une nouvelle présidentielle, afin de sortir de la crise, contrairement à l’opposition qui campe sur ses 60 % auto-proclamés.
Quelques jours plus tard, le Parlement a voté une loi réglementant les ONG et les associations, jugée liberticide par l’opposition, imposant l’obligation aux ONG de déclarer leurs « financements » et « donateurs, nationaux ou étrangers », « interdisant de recevoir des contributions financières destinées à des organisations à but politique ».
Dernier épisode en date, le pouvoir prépare une « loi contre le fascisme », pour officiellement mieux « défendre le peuple », devant un parlement monocorde de 256 députés dévoués à Maduro sur un total de 277. La « loi contre le fascisme, le néofascisme et les expressions similaires » s’inspirerait, selon le pouvoir, du « meilleur des lois européennes relatives au phénomène du nazisme et du fascisme et nous l’adaptons au Venezuela », assure le président Maduro, ajoutant « nous sommes dans une phase d’offensive et d’expansion de nos forces », visant ainsi toute expression contestataire à son autorité, y compris les réseaux sociaux.
L’économie
- Le Pétrole
Avec 300 milliards de barils de pétrole estimés dans son sous-sol, le pays possède les plus importantes réserves au monde. Une large partie de son or noir est lourd et bitumeux, couteux à extraire et à raffiner (sauf dans l’Orénoque où le pétrole est plus léger). Le géant public PDVSA (Petroleos de Venezuela) s’est constitué sur la nationalisation des compagnies étrangères en 1976. Seulement, Chavez utilise PDVSA comme source majeure de financement. Ces ponctions, associées à la corruption importante, une gestion désastreuse, des décisions stratégiques douteuses et une absence de maintenance ont conduit à son effondrement. L’apogée du pétrole vénézuélien fut atteinte en 2008 avec 3,5 millions de barils par jour de production, pour s’effondrer en 2020 à 400.000 barils/jour, entrainant une grave crise économique et une chute de ressources en dollars. En parallèle, la seconde élection de Maduro, contestée, et sans opposition, a inspiré aux Etats-Unis d’importantes sanctions en 2018-2019, meurtrissant un peu plus encore l’économie et les conditions de vie des habitants.
Les deux guerres d’#Ukraine et du #Moyen-Orient ont infléchi la position américaine et son obsession de transition démocratique au Venezuela, conduisant à des atermoiements entre un allégement des sanctions fin 2023, suite à des accords pouvoir-opposition, puis un durcissement, mais avec de multiples exceptions, ou plutôt d’autorisations unilatérales accordées par la Maison Blanche (sans le reste du monde) pour des licences d’exploitation de Pétrole, comme par exemple à Chevron, Repsol, Maurel et Prom, Schlumberger, Baker Hughes, Weatherford International, dans des proportions… inégales.
- L’inflation
En mai dernier, l’inflation a touché son plus bas niveau depuis 10 ans à 59 % !
C’est la maladie qui ronge ce régime, avec sa brutalité, sa dictature, sa corruption, son incapacité et sa méconnaissance économiques, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 189 % en 2023, 234 % en 2022, 686 % en 2021 et 2.300 % en 2020. La compression des dépenses publiques, la tentative de dollarisation de l’économie pour réduire le risque et le pas de côté sur les cryptomonnaies ont permis de ralentir le désastre.
Par ailleurs, en avril 2023, 11 pays d’#Amériquelatine, dont le Venezuela, créent une « alliance » contre l’inflation. Emmenées par les « poids lourds », Brésil, Mexique, Argentine Chili (l’inflation a atteint 95 % en 2022, record vieux de 30 ans) et Colombie, l’ambition est de privilégier les échanges commerciaux entre les membres dans une zone où l’intégration économique reste faible. Cependant, les alliances antérieures restent prédominantes dans la région, le Mercosur par exemple est le principal carburant de l’économie mexicaine, où 50 % de ses importations et 85 % de ses exportations sont liées aux Etats-Unis. De même pour le Brésil et ses liens très étroits avec l’autre prétendant impérial qu’est la Chine.
Cependant, la très faible intégration des économies régionales présente un immense potentiel !
- Les salaires
La consommation intérieure est catastrophique puisque le niveau des salaires est très éloigné des réalités de terrain des citoyens. En mai 2021, le salaire minimum est augmenté de 300 %, équivalent de 2,5 dollars, mais encore à peine suffisant pour acheter 1 kg de viande ! En mai 2024, Maduro augmente les primes pour le secteur public (5,5 millions de travailleurs) : « j’ai décidé de porter le revenu minimum global des travailleurs à 130 dollars », comprenant une prime alimentaire de 40 dollars et un « bonus de guerre économique » de 90 dollars. Mais le salaire minimum (donc pour le secteur privé), reste à… de 3,50 dollars (dernière progression en 2022, impacté d’une nouvelle dévaluation)… par mois. Aucune augmentation de prévue pour les autres primes, les allocations de chômage ou les pensions.
En revanche, les ménages doivent faire face à un coût de la nourriture, pour la famille, de plus de 500 dollars par mois.
Le fait à retenir
Une nouvelle fois, les calculs et les manœuvres des Etats-Unis pour évincer un régime en place (incontestablement dictatorial) n’ont pas débouché sur les résultats espérés. Avec leur pragmatisme habituel (l’entêtement est également habituel chez certain stratège du Pentagone), après plusieurs séries de sanctions, mais devant la puissance du Réel, que sont les deux guerres actuelles (Ukraine et Moyen-Orient) et les tensions possibles sur l’approvisionnement, donc les prix, de l’énergie hydrocarbure, l’administration américaine montre un certain rapprochement avec le Venezuela.
Quand les dirigeants ne sont pas des alliés, il faut les transformer en partenaire de « business » ! Cela pourrait être la nouvelle doctrine de certains dirigeants américains.
Les Etats-Unis, sur un territoire qui n’est pas le leur, accordent (par l’Office of Foreign Assets Control -OFAC-, du département du Trésor américain) des licences individuelles d’exploitation du pétrole au « Venezuela saoudite », comme était appelé le pays dans son âge d’or. Outre les plus importantes réserves du monde, le pays est aux portes des Etats-Unis, et son économie au bord du chaos ne pourra pas refuser les investissements, et les achats de barils, de « l’impérialiste arrogant » que sont les Etats-Unis à ses yeux.
Quelle implication ?
Aujourd’hui, la production est de 924.000 barils par jour (750.000 barils par jour en 2023 et 680.000 en 2022, selon l’OPEP, dont le Venezuela est un membre fondateur). Recréer des liens économiques entre Maduro, bien en place, toujours soutenu par son armée, et l’administration américaine, est une carte que semblent jouer les Etats-Unis pour tenter d’infléchir l’emprise des alliés du Venezuela que sont la Russie, qui fournit le régime en arme, l’Iran ou encore la Chine, qui fournit du cash en contrepartie de pétrole.
Pour faire progresser la production à 2 millions de barils par jour, il faudrait consacrer plus de 100 milliards de dollars d’investissements ! Seuls les Etats-Unis et la Chine en sont capables. Chacun va jouer sa carte !
La doctrine Monroe surgirait donc de nouveau, où l’Amérique latine serait le jardin, la chasse gardée des Etats-Unis. De plus, la sécurité des approvisionnements en énergie (sur le long terme, au-delà du pétrole et gaz de schiste produit aux Etats-Unis aujourd’hui) est si stratégique que l’administration américaine peut aisément mettre un mouchoir sur la transition démocratique d’un pays.
Conclusion
Le Venezuela est le 7ème plus grand des 38 pays de l’Amérique latine. Son PIB a été divisé par 5 entre 2013 et 2021, 7 millions de personnes ont quitté le pays, affecté par la gangrène de l’inflation et de la corruption, un bolivar qui a perdu 14 zéros en 13 ans, son billet de banque est devenu un jouet pour les enfants. Cette nouvelle élection pourrait être un point d’inflexion, au nom des intérêts stratégiques énergétiques de l’Amérique, aux détriments des valeurs démocratique sous le poids du Réel.
En ce sens, la lecture, en filigrane, du rétropédalage de l’administration américaine, après une affirmation (personnelle) du Président Joe Biden et son appel à des nouvelles élections, pourraient indiquer que les intérêts supérieurs du pays passent avant la souffrance du peuple vénézuélien et la démocratie. Ce ne serait pas la première fois.
Par ailleurs, Trump le « pragmatique », le « deal maker », est bien moins encombré de « bonnes intentions » au profit de « deals ». Son principal mantra, de reconstruire une Amérique forte, pourrait s’accommoder de la « démocratie autoritaire » du Venezuela en échange d’avantages énergétiques qui sauront séduire son électoral rural et les acteurs économiques. Ses relations et déclarations passées avec Poutine ou Kim pourraient être une jurisprudence applicable à Maduro.
Enfin, pour Trump, le Venezuela sera sans doute une source d’opportunités économiques immenses, dans un pays « ruinés » où le PIB par habitant est de 3.800 dollars (source FMI), par rapport aux 85.000 dollars pour chaque américain. Dans le monde de la finance, cela s’appelle des « poches de croissance » !
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