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[DECRYPTAGE] Les toutologues s’emparent du Groenland !

Après le Covid, l’Ukraine, la stratégie militaire, le « macronisme », le « trumpisme », les toutologues deviennent les spécialistes… du Groenland !

La toutologie est cette pratique qui consiste à se faire passer pour un spécialiste de tout devant chaque micro tendu, repoussant encore un peu plus loin les médias vers une information factuelle, vérifiée et de qualité.

Faute de grives, ces néo-spécialistes se contentent du Groenland. On y apprendra que c’est au Nord du planisphère, qu’il y fait froid, que sa population n’est guère supérieure à celle d’une ville moyenne française et, pour les plus audacieux, que c’est le pays du Père Noël !

Mais pourquoi diable Trump veut-il acheter ce territoire qui semble si désertique et si inhospitalier, quatre fois plus grand que la France ? Veut-il en faire un Mar-a-Logo d’hiver pour ses amis milliardaires ?

Il a même été affirmé, avec conviction, sourire et enthousiasme, que cette « prise de contrôle » était une pression exercée sur le Danemark et, par effet de ricochet, sur l’Europe, pour que cette dernière augmente sa « cotisation » à l’Otan !

Et pourquoi pas, pourriez-vous suggérer, mettre la main sur le business du Père Noël, puisque Trump est un « deal-maker » très attiré par le « business » ! Et vous seriez plus proche d’une affirmation pertinente au-delà de son aspect délicieusement burlesque.

Revenons à des considérations plus sérieuses en détaillant point par point les intérêts des Etats-Unis pour le Groenland. La déclaration de Donald Trump du 7 janvier dernier est claire : « pour la sécurité nationale et la liberté à travers le monde, les Etats-Unis d’Amérique estiment que la propriété et le contrôle du Groenland sont une nécessité absolue ».

Pourquoi ?

Les raisons stratégiques :

  • L’île, la plus vaste du monde (dans l’hypothèse de l’Australie-continent), possède une position stratégique unique sur le globe, et pourrait être une « base avancée » pour le Pentagone face à une Russie belliqueuse et une Europe concurrente ;
  • Les Etats-Unis ont tenté par 4 fois d’acheter le Groenland : en 1867, au moment de l’acquisition de l’Alaska à la Russie, en 1919, en 1946 et en 2019 par le Président Trump lors de son premier mandat. Offres à chaque fois repoussées par le Danemark ;
  • L’île abrite l’une des bases les plus stratégiques des Etats-Unis depuis 1941, la base de Thulé, agrandie et rebaptisée en 2019 « base spatiale de Pituffik ». Copenhague avait même autorisé les Etats-Unis en 1950 à construire une base souterraine (projet abandonné en 1967) pour y loger des missiles nucléaires, un an après la signature du traité de l’Otan en 1949 ;
  • Cette base est munie d’un radar ultra sophistiqué, chaînon d’un éventail de radars disposé à travers le monde dans le cadre du bouclier antimissile américain, héritier du système Starwars (ou Initiatide de Défense Stratégique) lancé en 1983 par Ronald Reagan. Ce bouclier a pour vocation de détecter tout tir de missile intercontinental nucléaire depuis la Russie, pour ensuite le détruire en vol avant qu’il n’atteigne le sol d’Amérique ;
  • Le Groenland est le mirador de surveillance vis-à-vis de la flotte du nord russe, marine et sous-marine ;
  • Le Groenland devient, sous l’influence du réchauffement climatique, un nœud stratégique dans le monde, au même titre que Malacca, le détroit de Taïwan, le Canal de Suez et le Canal du Panama. Il est le poste de surveillance privilégié de la « route du nord-ouest », passage qui sera de plus en plus utilisé par les voies maritimes du commerce mondial, permettant aux marchandises chinoises d’accéder plus rapidement aux ports de la côte Est des Etats-Unis et ceux d’Anvers et de Rotterdam, puisque la distance est plus courte d’un quart par rapport à la route traditionnelle Shanghai/Malacca/Suez/Gibraltar/Rotterdam.

Les raisons économiques :

  • Cette île de 57.000 habitants porte dans son sous-sol de nombreuses matières premières, notamment des terres rares. Les Etats-Unis cherchent activement à se défaire de leur dépendance dans ce domaine vis-à-vis de la Chine, leader mondial. Les terres rares essentielles pour la fabrication de puces de toute sorte, mais surtout celles de dernières générations, comme celles de Nvidia, très utile pour l’Intelligence Artificielle, les-dites puces que les US cherchent à interdire à l’exportation vers la Chine ;
  • Le Groenland dispose de ressource d’hydrocarbures inexploitées (et Trump est pro-pétrole).

Les raisons politiques :

  • Et puis… Trump n’a pas confiance en l’Europe. Il ne croit pas en l’influence, uniquement au contrôle et la puissance. Pour lui, les Etats-Unis sont intervenus deux fois pour sauver l’Europe, cependant, il lui a fallu « tirer quelques oreilles », 80 ans après le dernier conflit, pour que cette mosaïque de gouvernements contribue plus significativement au budget de Defense collectif qu’est l’OTAN. Il a exigé de faire progresser leurs dépenses d’armement jusqu’à 3 % et… en bas-relief, de s’équiper en matériel américain ! Par exemple, l’Allemagne ou encore la Pologne ont acheté des chasseurs de dernières générations F35 au prix de 160 millions de dollars l’unité ;
  • Par ailleurs, Trump n’a pas besoin de voiler ses menaces ou de faire un schéma d’influence en 3 bandes pour « réclamer » un niveau de dépenses à 5 %, il sait très bien faire passer ses messages et faire pression sur ses « amis » européens pour atteindre ses objectifs.

Trump privilégie avant tout les intérêts de son pays, avec une doctrine plus agressive que celles de ses prédécesseurs. D’autant que l’Union Européenne, dans son système de réflexions, apparaît plus comme une concurrence qu’une alliée, sentiment encore alimenté récemment par la mise en place de réglementations dans le domaine du numérique qui contraint les acteurs américains sur cette deuxième place économique du monde.

Pour toutes ces raisons, le Groenland est stratégique aux yeux du 47ème POTUS (President Of The United States).

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