Si demain les voitures autonomes déferlent dans nos rues et les robots peuplent nos usines, maisons et hôpitaux, ce sera grâce à la « 5G », une infrastructure mobile au cœur de l’affrontement technologique entre les Etats-Unis et la Chine.
Petit rappel des promesses de la « cinquième génération de standards pour la téléphonie mobile », des acteurs en présence, et des inquiétudes que suscite ce virage technologique.
Que va changer la 5G ?
La 5G promet de tout connecter, partout et tout le temps. Un potentiel énorme pour la numérisation de l’économie, en particulier l’industrie qui en attend beaucoup.
Le groupe français Orange estime que la 5G va offrir un débit jusqu’à 10 fois plus rapide que la 4G. Pour l’internaute, cela signifie un accès plus rapide à des contenus audiovisuels haute définition, ainsi qu’aux jeux en « streaming », marché en pleine explosion.
C’est toutefois la possibilité de faire circuler en masse des milliards de données, sans engorgement, qui fait la différence majeure avec les réseaux mobiles précédents. La 5G est fréquemment présentée comme la technologie de « l’internet des objets » permettant à toutes sortes d’équipements électroniques connectés à internet de « dialoguer ».
Revers de la médaille : le risque majeur du piratage de milliards de données, dont des secrets industriels et informations médicales privées qui circuleront sur des réseaux plus décentralisés.
Qui sont les principaux acteurs ?
Si les opérateurs télécoms seront, dans la plupart des cas, la colonne vertébrale de la future 5G, ces derniers se fournissent auprès d’un nombre restreint d’équipementiers.
La bataille se joue entre deux équipementiers européens, le suédois Ericsson et le finlandais Nokia, qui a racheté en 2016 le franco-américain Alcatel-Lucent, et le géant chinois des télécoms Huawei.
D’autres fournisseurs d’équipements sont présents mais à plus faible échelle, en particulier le Sud-Coréen Samsung, ainsi qu’un autre Chinois, ZTE.
Où en sont les déploiements ?
En Asie, la Corée du Sud a pris une longueur d’avance avec une couverture de l’ensemble de son territoire en un temps record. La Chine vient d’attribuer ses premières licences 5G commerciales. Peu après l’obtention de la licence, l’opérateur China Mobile, le plus grand au monde en termes d’abonnés, a indiqué qu’il couvrirait cette année 40 villes de Chine en 5G.
Aux Etats-Unis, l’internet fixe a été la première application de la 5G, dès fin 2018, avec une vingtaine de villes couverte par AT&T. Verizon propose un service mobile 5G depuis début avril à Minneapolis et Chicago. L’administration Trump prévoit par ailleurs 20 milliards de dollars pour déployer cette technologie dans les zones moins peuplées.
Côté européen, l’Italie ou la Pologne ont accordé les bandes de fréquences nécessaires, procédure en cours en Allemagne et qui sera réalisée en octobre en France. La Suisse dispose de la 5G dans ses principales villes, également déployée notamment en Finlande ou en Estonie. Au Royaume-Uni, l’opérateur EE, filiale du groupe BT, vient de lancer son réseau 5G dans six villes, et Vodafone doit se lancer en juillet.
Pourquoi Huawei fait-il peur ?
En moins d’une décennie, le géant chinois est devenu un acteur incontournable des réseaux mobiles. D’abord connu pour sa capacité à produire à bas coût, il est désormais devenu un leader technologique sur la 5G, en déposant une multitude de brevets.
Dans la bataille diplomatique et économique qui oppose les Etats-Unis à la Chine, la provenance des équipements est un élément essentiel. Le président américain Donald Trump a interdit le mois dernier aux réseaux télécoms américains de se fournir en équipements auprès de sociétés étrangères jugées à risque, une mesure qui cible clairement Huawei. Les Américains, qui brandissent notamment la crainte d’un espionnage massif, font également pression sur leurs alliés pour barrer la route au groupe chinois.
Les Européens avancent jusqu’ici en ordre dispersé sur la question. Des pays tels que l’Allemagne ont accepté au moins formellement la participation de Huawei à la construction de leurs réseaux, d’autres comme la République tchèque ont lancé des mises en garde.
Au Royaume-Uni, la question a même suscité une crise politique, la Première ministre Theresa May limogeant début mai son ministre de la Défense, accusé d’avoir fait fuiter dans la presse des informations sur une possible participation de Huawei aux infrastructures 5G britanniques.
Huawei assure de son côté que ses équipements sont fabriqués à partir de composants provenant du monde entier, qu’ils n’ont jamais été pris en défaut et que la sécurité est essentielle pour lui.
Une note interne de l’Association mondiale des opérateurs (GSMA) estime qu’il en coûterait 55 milliards d’euros et 18 mois de retard aux opérateurs européens de télécommunications si Huawei et d’autres entreprises chinoises étaient bannies du déploiement de la 5G en Europe.
Vendredi, le président russe Vladimir Poutine a condamné les tentatives de « chasser » Huawei des marchés mondiaux, alors que le groupe chinois vient de décrocher un accord pour déployer la 5G dans le pays.
« On qualifie déjà ça, dans certains milieux de première guerre technologique de l’époque numérique qui commence », a poursuivi M. Poutine.