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Heinz Wisemann et le temps

Qu’est-ce que le temps ?

Le physicien sera amené à dire qu’il n’y a pas de temps, parce que son dispositif expérimental et théorique fonctionne de manière à ce que le temps, qui est le temps que nous vivons, qui est le temps d’un être vivant, qui a un passé, un futur, et qui vit au présent, ce temps pour lui n’existe pas.

Cette situation expérimentale en mécanique quantique ou le temps n’existe pas ne nous concerne que intellectuellement puisque du point de vue de la vie que nous menons, organismes et organisée, qui doit mourir, il est incontestable qu’il existe quelque chose que l’on nomme le temps.

L’infini, nous ne pouvons pas le connaître, on peut le toucher, à la limite de la connaissance, et à partir de cette limite, il faut croire. Quand on parle d’infini, on est hors terrain cognitif, l’infini c’est Dieu ! La physique moderne touche Dieu de deux manières : dans l’infiniment grand et dans l’infiniment petit. Cette science se trouve dans l’incapacité de conjuguer les deux infinis, parce que la relativité générale et la mécanique quantique ne sont pas conciliables. C’est une création humaine de connaissances limites, et au-delà de cette limite, il ne nous est pas permis de connaître. C’est ce qui se passe avec le Big-Bang, on remonte jusqu’au Big-Bang, il engendre le temps, et qu’est-ce qu’il y avait avant ? On fait comme s’il y avait du temps avant, mais s’il n’y avait pas eu de temps avant, qu’est-ce qu’il y avait avant ?

Tous ces paradoxes nous obligent à dissocier la question du temps vécu de la question du temps connu.

Le temps vécu : Chronos Vs AIÔN

Le temps vécu a été pensé pour la première fois, dans notre univers culturel, par les Grecs anciens qui ont distingué deux notions du temps : le temps qui se mesure, Chronos, du temps éternel. Sa traduction chrétienne, AIÔN, ne signifie pas l’éternité mais la somme de vitalité allouée à un être qui doit mourir. AIÔN est matériellement la moelle épinière, la semence ou le liquide synovial des articulations des genoux.

C’est tout un univers de représentation d’un temps que l’on peut mesurer qui est sans incidence sur ce qui nous est donné comme temps à vivre, puisque le temps à vivre est une substance qui dispose d’une certaine quantité et que l’on peut épuiser.

Le temps et la modernité

Le temps qui se mesure aujourd’hui comme innovations, de changements, de progrès… devrait plutôt être appelé une temporalité plutôt que le temps, car ce n’est qu’une facette du temps. La temporalité, qui se dégage à partir de la révolution copernicienne, c’est le futur.

Avant, le futur était la répétition du passé. Même le Chronos des Grecs faisait revenir les choses de manière circulaire grâce aux mouvements des astres et des planètes. Il fallait la rupture avec le géocentrisme pour que ce dégage, pour la conscience, la temporalité. Ce temps n’est pas un objet, c’est une dimension temporelle que l’on appelle une temporalité. Elle s’ouvre, pour la perception, ou la conscience humaine avec l’abandon du géocentrisme, parce que soudain, nous ne savons pas où vont les planètes. Nous sommes obligés de calculer leur trajectoire, d’où la naissance de la science qui est la nôtre, la science moderne, qui est celle de savoir quel est l’aboutissement de ces mouvements de la Nature et à partir de là, changent complètement la conception de la connaissance, ce n’est plus la sagesse transmise, ce n’est plus l’autorité du passé, c’est désormais un acquis, quelque chose qu’on gagne sur le futur, grâce à un investissement d’énergie, et on marche en avant. C’est la modernité européenne dans laquelle on vit.

Le temps et l’immortalité

Le transhumanisme est le désir de pérenniser l’instant présent. Il ne s’agit pas de prolonger une vie dynamique, ce serait encore une vie d’acquisition, de réalisation, de progrès, ce n’est que la volonté de pérenniser l’instant présent. Il n’y a donc plus désir, plus progrès, plus jouissance, plus rien… donc plus de vie. Les conditions de réalisation du transhumanisme font que la vie cesse. Cette vie éternelle là n’est pas la vie ! C’est uniquement une durée arrachée à la succession des instants que l’on a arrêtés. C’est donc absurde.

L’intensité des instants

Il faut distinguer cette recherche d’immortalité sous la forme d’absence de changements d’avec l’engagement de plus en plus accéléré dans les conquêtes sur le temps. Ces conquêtes sur le temps… c’est l’utopie moderne ! C’est par cette utopie que l’Europe, mondialisée, indispose le monde qui ne suit pas ce rythme.

Cela pose le rapport à la densité de vie, la question de l’intensité des instants, et plus un instant est bref, donc introduit une cassure du temps, plus il est intense parce qu’il créé de l’angoisse et du désir. D’où la recherche de réduction de temps des réseaux sociaux, à la recherche d’intensification du moment de rupture que représente l’information.

Si les instants se bousculent à une vitesse trop grande, le désir n’a pas le temps de naître, on le capte à la source pour le faire tarir. Une satisfaction trop rapide, non désirée, redoutée d’une certaine manière du désir naissant, tue le désir. Il a donc deux morts, le transhumanisme c’est l’éternisation de l’instant qui fait que je n’évolue plus, je n’ai plus de perspectives, et le bombardement incessant de nouveautés qui fait que je ne suis plus capable de mobiliser suffisamment longtemps l’envie qui est du nouveau, parce que le nouveau m’étouffe littéralement par la précipitation incessante.

L’immortalité par l’enfantement : la Renaissance

A travers nos enfants nous transmettons nos gènes, ces mêmes gènes qui vont être immortels, alors que notre personne n’est que de passage. Nous serions, de passage en passage, immortels. C’est la consolation offerte aux êtres qui sont capables de désirer et d’avoir des jouissances au prix de la mort. Ces êtres, qui vont devoir mourir, ont la conscience de transmettre quelque chose d’eux-mêmes. La transmission culturelle est construite sur le même principe que la transmission par gènes. On fournit à des générations à venir la trace de la vie qu’on a mené en les invitant à en faire quelque chose, cela s’appelle : Renaissance. Une naissance peut se prolonger par une Renaissance, et toute l’histoire de l’humanité est une histoire des renaissances. C’est à chaque fois un nouveau départ, avec de nouvelles intensités et un enrichissement.

Le temps long Vs le temps court

Les Chinois, avec leur marathon de 100 ans, envisage le monde très différemment du monde américain qui est dans l’instantanéité. La tradition chinoise, par rapport à la nôtre, est incommensurablement plus longue, et les Chinois ont un goût très prononcé pour leur passé. Un régime qui promet la stabilité, pour un temps long, trouve une résonnance dans la mentalité chinoise. Et un tel régime doit intégrer la modernité de progrès européenne, comme les Japonais ont su le faire au XIXème siècle. Seulement, cela créé un conflit par rapport au temps, l’hyper-présent et le temps long incarné par le régime. Beaucoup de Chinois se disent qu’il vaut mieux subir ce régime car cela garanti l’avenir et la stabilité. C’est une promesse fédératrice. La Chine ne veut plus de guerres et d’instabilité, connues par le passé. Par conséquent, le régime est dépendant de l’efficacité du système qui fonctionne dans une autre temporalité, à savoir l’innovation. En Chine, il y a une schizophrénie, car il y a deux légitimités et deux temporalités qui se confrontent.

Qu’est-ce qu’entreprendre ?

Sa racine vient du moyen-âge, qui désigne l’action d’un chef de guerre qui fait le siège d’une ville, entre prendre, c’est prendre au milieu, ouvrir des brèches. Des siècles plus tard, lors de la révolution industrielle, le substantif entrepreneur apparaît, des êtres entreprenants, à la faveur de l’ouverture du marché après la chute de privilèges royaux, peuvent faire fortune. L’entrepreneur est devenu le héros moderne.

Conclusion :

Sans désir… il n’y a pas de vie !

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