
Alain Bauer, éditions First
L’auteur
Alain Bauer est l’une des figures les plus reconnues et appréciées dans les domaines de la criminologie et de l’analyse des menaces contemporaines. Il est Professeur titulaire de la chaire de criminologie appliquée au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).
Ancien président de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, conseiller auprès de plusieurs gouvernements sur les questions de sécurité et de lutte contre le crime organisé, il a publié de nombreux ouvrages de référence sur le terrorisme, le renseignement et la criminalité.
Avec la série Agence Mozart, dont Menace sur Taïwan constitue le deuxième volet, Alain Bauer met son savoir au service d’un genre passionnant qui devrait intéresser le plus grand nombre : la géopolitique-fiction. Son style conjugue rigueur documentaire, tension narrative et mise en scène de personnages réalistes au milieu de conflits hybrides et de menaces contemporaines possibles.
Le roman
Le roman se déploie dans un espace géopolitique contemporain, entre Beijing, Taipei et Reykjavik. Il met en scène une tension régionale fictive mais réaliste et possible, à la portée globale des enjeux.
Depuis longtemps, la République populaire de Chine, malgré ses revendications et menaces fréquentes, n’a jamais concrétisé une invasion de Taïwan (l’ancienne Formose). Le scénario d’Alain Bauer s’appuie sur le retrait progressif du parapluie américain, offrant ainsi à Xi Jinping l’opportunité de s’approprier l’île convoitée.
L’agence Mozart, un organe de renseignement indépendant, apprend l’existence de l’opération « Crapauds et Dragons ». S’ouvre une course contre la montre, ancrée dans le thriller d’espionnage moderne, où l’équipe se déploie sur l’île pour anticiper, analyser et contrer une stratégie militaire aux ramifications politiques, criminelles et cyber.
Les femmes de l’agence, intelligence, liberté & leadership
L’un des points forts du récit réside dans la place et le relief des personnages féminins. Elles sont dotées d’une intelligence tactique remarquable, d’un caractère affirmé et d’une liberté revendiquée.
Elles ne sont pas de simples personnages secondaires, figurantes au cliché romantique. Au contraire, elles incarnent des profils d’agents crédibles, compétents, psychologiquement complexes et avides d’action.
L’intrigue offre ainsi une dimension moderne, au relief intéressant, sans tomber dans une linéarité ennuyeuse, enrichissant ainsi le récit d’espionnage.
La géopolitique comme grande ligne de force
Le roman combine des dynamiques géopolitiques ultra-contemporaines avec une trame fictionnelle solidement documentée : cyberattaques, désinformation, infiltration criminelle, usage des réseaux clandestins. Cette hybridation permet de rendre l’intrigue à la fois plausible et addictive.
L’auteur s’appuie sur son expertise pour façonner un récit à la rigueur stratégique impeccable, tout en laissant place à l’imagination narrative. Le résultat est un thriller d’espionnage crédible et haletant, où la tension narrative est nourrie par des menaces tangibles, très proche des plus grandes intrigues de Tom Clancy.
Taïwan, dernier maillon du « marathon de 100 ans » de Beijing
Longtemps oubliée par les occidentaux et seulement utile à produire des puces électroniques, Taïwan est devenue un sujet systémique géopolitique depuis la revendication déterminée de Xi Jinping sur l’île.
Ancienne Chine du Sud ayant refusé la prise de pouvoir communiste en 1949, elle bénéficiait, jusque récemment, de la protection d’un parapluie américain. Les lèvres tremblantes d’un Joe Biden ont apporté de la confusion à la politique dite « d’ambiguïté stratégique », laquelle fut renforcée par la visite de Nancy Pelosi, à des fins de pure politique interne, visite mise en scène dans le roman. Le plan géostratégique de Donald Trump (obligation d’investir massivement sur le sol américain pour accéder au marché américain, droits de douane de 15 % sur les puces les plus performantes de Nvidia et AMD à destination de la Chine, démonétisant ainsi l’intérêt de Taïwan et ses savoir-faire – la Chine quant à elle a lancé la construction de 55 giga-factory de puces sur son territoire) n’a rien pour rassurer Taïwan, d’autant que le Pentagone s’interroge : Taïwan vaut-elle une guerre ?
La stratégie de Pékin, finement dessinée dans la fiction, s’inscrit dans un marathon de cent ans, où les objectifs à long terme du Parti communiste chinois (la réunification finale dans le cadre d’une revendication culturelle, historique et politique) viennent percuter le court-termisme de l’Occident. Même si l’agence Mozart emporte la partie cette fois-ci, cela nous oblige à ouvrir une réflexion sur la pertinence, la force et la pérennité de notre gouvernance occidentale sur le monde.

Taïwan #AlainBauer #Géopolitique #Espionnage #Chine #MarathonDe100Ans #Renseignement #tomclancy #systémique