Au revoir !
Le président américain Joe Biden, solennel, depuis le bureau ovale, s’est expliqué : « Cela fut l’honneur de ma vie d’être votre président, mais la défense de la démocratie, qui est en jeu, est je pense plus importante que n’importe quel titre ». Évoquant la nécessité d’unir son parti, ce départ suscite un enthousiasme nouveau chez les démocrates, conjugué à un retour des donateurs, boudeurs au lendemain de la prestation calamiteuse de Biden lors du débat télévisé fin juin face à Trump.
Mais avant son départ, comme une dernière démonstration de son pouvoir, il impose à ses « amis » démocrates sa vice-présidente, en bousculant la démocratie interne au parti : « elle est expérimentée, elle est forte, elle est compétente …/… Elle a été une partenaire incroyable pour moi, une dirigeante pour notre pays. Maintenant, c’est à vous, le peuple américain, de choisir ».
La « défense de la démocratie », l’argument avancé est inattaquable de prime abord, mais il est, en fait, tout à la fois une diversion et un masque. Une diversion sur une réalité personnelle difficile à admettre pour le Président sortant, son âge, ses maladresses, ses trous de mémoire, ses chutes, son énergie déclinante… en résumé le triste spectacle d’un ténor de la politique américaine sur plus de cinq décennies, devenu un triste candidat atteint du syndrome de Peters. En parallèle, l’argument fait office de masque sur la réalité de l’Amérique, avec une fracturation profonde de la société civile américaine, une santé économique insolente mais dans l’incapacité de réduire la grande pauvreté, une précarisation répandue, un déclassement de la classe moyenne, une police à la gâchette facile, un usage des armes à feu débridé, entrainant la mort de 124 personnes… par jour !
Les démocrates, entre soulagement et résignation
L’équation du parti démocrate souffre d’une contrainte incompressible : le temps. A cent jours de leur convention de Chicago, qui offrira à la personne désignée candidate seulement 69 jours de face à face avec un Trump plus déterminé, entouré et préparé que jamais. Les 3.936 délégués démocrates, soulagés d’une candidature caricaturée de toute part, s’enthousiasment de la solution « clef en main » prescrite par Joe Biden, ouvrant une possibilité réelle d’éviter une défaite humiliante. Derechef, avec détermination, Kamala Harris saisit sa chance. Elle est entrée immédiatement dans le combat, pour étouffer toutes manœuvres politiques possibles à l’intérieur du parti, dont certains ténors manquaient de ferveur à son égard.
Seulement, si le temps est court, la route reste longue, épuisante et piégeuse pour retrouver la Maison Blanche. Il lui faudra subir les attaques, se relever de ses maladresses à venir, s’expliquer sur ses convictions et se justifier sur ses échecs, notamment sur l’immigration, dont Joe Biden lui avait confié la charge de ce dossier. La campagne va se polariser sur trois principaux thèmes : l’immigration, l’avortement et l’économie (inflation, pouvoir d’achat, investissements, créations d’emplois et politique fiscale). La politique étrangère, l’environnement, le climat et les guerres en Ukraine et à Gaza resteront en arrière-plan.
Et après l’euphorie des 48 premières heures, due à la nouveauté et au soulagement, Kamala Harris devra, outre les électeurs, séduire les donateurs dans la durée, car une campagne électorale présidentielle coûte à l’heure actuelle 1,3 milliard de dollars.
La campagne « far-west » de Donald Trump
Par-delà les qualités des candidats, leur parcours personnel et professionnel, leurs convictions, leur programme, la dimension passionnelle est le fil rouge du combat. Donald Trump a déjà lâché ses coups contre sa nouvelle adversaire, passant du « elle est folle » à « c’est une cinglée de la gauche radicale », affirmant qu’elle veut favoriser « l’exécution de bébés …/… Elle veut des avortements au huitième et au neuvième mois de grossesse, jusqu’à la naissance et même après la naissance ». Kamala Harris lui a retiré le plaisir sur lequel il comptait capitaliser pendant quelques semaines d’un Parti Républicain uni derrière sa troisième candidature, auréolé de son inattendue posture de ressuscité !
Elle « va détruire notre pays », martèle-t-il pendant qu’il construit une nouvelle stratégie électorale en urgence, toute orientée jusque-là sur « Joe l’escroc ». Joe Biden manque déjà à Donald Trump, accusant « les leaders du Parti démocrate » de l’avoir évincé d’une manière « très antidémocratique », lui adressant une dernière petite pique au sujet de sa résignation, en guide d’adieu : « Biden ne sait même pas qu’il est en vie ». Sa nouvelle adversaire sera, à n’en pas douté, plus ambitieuse, plus déterminée et plus pugnace que « Joe l’endormi ».