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[ANALYSE] Géopolitique du Vatican

[ANALYSE] Géopolitique du Vatican

Plus petit État du monde

Au cœur de Rome, avec ses 44 hectares, dont un tiers de jardins, le Vatican, le plus petit État du monde. L’État de la Cité du Vatican a été officiellement créé le 11 février 1929 avec la signature des Accords de Latran entre le pape Pie XI et Benito Mussolini.

Le Vatican est composé de composé de deux entités juridiques, le gouvernorat de la Cité du Vatican et le Saint-Siège, tous deux dirigés par le pape. Élu à la majorité des deux tiers lors du conclave, le pape possède le double statut de chef de l’Église et chef d’État, une spécificité unique au monde.

Le pape dispose des pouvoirs absolus : exécutiflégislatif et judiciaire

La population du Vatican comprend aujourd’hui quelque 800 personnes qui en ont la citoyenneté, dont des cardinaux, des représentants diplomatiques du Saint-Siège (nonces apostoliques), des laïcs et religieux.

Sa sécurité est assurée par la gendarmerie vaticane et la Garde suisse pontificale, la plus vieille armée du monde fondée en 1506 et célèbre pour ses uniformes à rayures bleues, rouges et jaunes.

Le drapeau du Vatican est un carré composé de deux bandes verticales jaune et blanche, frappé des clefs de Saint Pierre.

Le système judiciaire est analogue à celui de la République italienne, et la peine de mort n’y a été abolie qu’en 1960.

La Curie romaine, le gouvernement central de l’Église, est composée de la Secrétairerie d’État, de seize dicastères (ministères)six organes économiquestrois tribunaux ainsi que de plusieurs autres académies et organismes.

Le Vatican a également son quotidien, l’Osservatore Romano, une radio et une télévision, les musées, son armée (la Garde suisse), sa gendarmerie, son tribunal, sa poste, son supermarché, sa pharmacie, sa gare et sa station-essence.

Son hymne national, la « marche pontificale », composé par Charles Gounod en 1869, est le seul au monde à être chanté en latin.

Les salaires versés aux employés laïcs sont défiscalisés. Les syndicats n’ont pas droit de cité, tandis que les soins médicaux et de laboratoires sont gratuits.

Alors que la Curie gère le fonctionnement de l’Église, le gouvernorat de la Cité du Vatican est chargé d’administrer les fonctions régaliennes du minuscule État.

La papauté en chiffres

  • 266 : nombre de papes depuis l’apôtre Pierre, au 1er siècle. Le successeur de François sera ainsi le 267ème pape de l’Histoire ;
  • 50 millions : nombre total d’abonnés sur les neuf comptes X (ex-Twitter) du pape en différentes langues, dont un million en latin. Il possède par ailleurs 9,9 millions d’abonnés sur Instagram ;
  • 1,406 milliard : le nombre de fidèles catholiques revendiqués en 2025 par l’Église catholique dans le monde ;
  • 80 ans : âge limite à partir duquel un cardinal n’est plus électeur au conclave, un âge fixé par Paul VIen 1970 ;
  • 31 ans : la durée du pontificat de Pie IX, l’Italien Giovanni Maria Mastai Ferretti, le plus long de l’Histoire, même si la tradition attribue ce record au tout premier pape, l’apôtre Pierre. En seconde position, on retrouve Jean-Paul II avec 26 ans (1978-2005) puis Léon XIII avec 25 ans (1878-1903) ;
  • 33 jours : durée du pontificat le plus court de l’Histoire contemporaine, celui de l’Italien Albino Luciani, alias Jean-Paul Ier, décédé en septembre 1978 à l’âge de 65 ans. Surnommé « le pape au sourire », le patriarche de Venise, béatifié en 2022, avait été retrouvé mort sur son lit, et les circonstances floues entourant sa mort ont alimenté diverses théories ;
  • 93 ans : âge de Léon XIII à son décès en 1903, faisant de lui le pape le plus âgé de l’Histoire moderne. Benoît XVI, décédé à 95 ans fin 2022, n’était plus en fonction puisqu’il avait renoncé à sa charge en 2013 ;
  • 12 ans : âge estimé de Benoît IX, considéré comme l’un des plus jeunes de l’Histoire avec Jean XII, au début de son premier pontificat en l’an 1032. Il régna à trois reprises.
  • 129 pays : nombre de pays visités par Jean-Paul II au cours de 104 voyages à l’étranger, un record absolu. François, lui, est le pape le plus âgé à avoir voyagé en exercice ;
  • 2 ans et 9 mois : durée du conclave le plus long de l’Histoire. Il débuta en 1268 à Viterbe, dans le centre de l’Italie, et se conclut en 1271 avec l’élection de Grégoire X. A l’inverse, le conclave le plus court eut lieu en 1939, avec l’élection de Pie XII en à peine 24 heures.

Discrète diplomatie 

La diplomatie du Saint-Siège occupe une place singulière dans les relations internationales. Dépourvu de puissance militaire, le Vatican s’appuie sur son autorité morale, son vaste réseau diplomatique et son engagement historique dans la médiation pour exercer une influence géopolitique disproportionnée à la taille de son État.

À travers son action diplomatique, le Saint-Siège poursuit des objectifs spirituels, éthiques et humanitaires, contribuant à la résolution pacifique des conflits, à la défense des droits de l’homme et à la promotion du dialogue interreligieux.

Le Vatican possède le réseau diplomatique le plus ancien du monde, avec des relations bilatérales officielles avec 183 États, ainsi qu’une participation active à des organisations internationales telles que l’ONU, l’OSCE, ou encore l’Union européenne en tant qu’observateur permanent.

La diplomatie pontificale s’articule autour de la Secrétairerie d’État, dirigée par le cardinal secrétaire d’État, qui coordonne l’action internationale du Saint-Siège. Les nonces apostoliques, équivalents aux ambassadeurs, sont présents dans la quasi-totalité des capitales du monde et jouent un double rôle diplomatique et ecclésiastique.

Historiquement, le Vatican s’est impliqué dans plusieurs processus de paix notables. Parmi les cas les plus emblématiques, on peut citer son rôle discret mais efficace dans la réconciliation entre les États-Unis et Cuba en 2014, ou encore son appel à la médiation dans le conflit israélo-palestinien. La papauté, notamment sous Jean-Paul II puis François, a également plaidé contre les interventions militaires non justifiées, comme en Irak en 2003, invoquant le droit international et les principes de justice.

L’un des fondements de la diplomatie vaticane repose sur une approche multilatéraliste et universaliste. Elle vise la protection de la dignité humaine, la liberté religieuse, la solidarité internationale et le développement intégral. Cette approche est incarnée par l’engagement constant du pape François pour les migrants, l’environnement (encyclique Laudato si’) ou encore la lutte contre la pauvreté et les inégalités globales. La diplomatie vaticane s’inscrit dans une logique d’« éthique des relations internationales », promouvant la paix par la négociation, la patience et le dialogue interculturel.

La diplomatie du Vatican incarne une forme de soft-power fondée sur l’influence morale, le capital symbolique et la continuité historique. Dans un monde multipolaire marqué par l’instabilité et le retour des démonstrations de puissance, le Saint-Siège demeure un acteur discret mais actif, dont la voix, portée par le pape, continue de résonner dans les grands forums internationaux comme un appel à la paix, à la fraternité et à la conscience éthique des nations.

Budget

Les finances du Vatican sont dans un état préoccupant, marquées par des déficits chroniques et une dépendance trop importante aux dons en déclin.

En 2023, les dépenses annuelles du Vatican s’élevaient à environ 1,2 milliard d’euros, réparties entre les salaires du personnel (520 millions), les frais de fonctionnement (530 millions) et les œuvres de charité(120 millions). Malgré des efforts d’austérité, tels que des réductions salariales de 10 % pour les cardinaux et de 8 % pour les autres employés, le déficit budgétaire atteignait 83,5 millions d’euros, soit environ 7 % du budget total. 

Le budget 2025, qui devait être certifié par un expert, le cardinal allemand Marx, ne l’a finalement pas été. On ne connaît pas exactement l’ampleur du déficit, car le Vatican est l’un des rares États à ne pas publier ses comptes.

Les principales sources de revenus du Vatican comprennent les dons des fidèles, les revenus locatifs et commerciaux et les recettes des musées et autres activités. Cependant, ces revenus sont en déclin, notamment en raison de la baisse des dons et de la déchristianisation dans certains pays. Le Vatican possède un patrimoine immobilier estimé à 4 milliards d’euros, avec environ 5.000 propriétés, dont 4.000 en Italie. Cependant, seulement 14 % de ces propriétés italiennes sont louées aux prix du marché, limitant ainsi les revenus potentiels.

Monnaie officielle

L’État de la Cité du Vatican n’est pas membre de l’Union européenne, mais entretient des liens étroits aux travers de ses accords douaniers et monétaires avec l’Italie. À la suite d’une nouvelle convention monétaire entre la République italienne, au nom de la Communauté européenne, et la Cité du Vatican, cette dernière est autorisée depuis le 1er janvier 1999 à utiliser l’euro comme monnaie officielle. Le Vatican n’a pas le droit d’émettre des billets en euros, mais peut frapper des pièces en euros avec face nationale spécifique à la Cité à compter du 1er janvier 2002.

Quels rôles pour le pape ?

  • Diriger l’Eglise :

Le mot pape vient du grec « pappas » qui signifie « père, patriarche », d’où le fait que les fidèles l’appellent « Saint Père ». Considéré comme le successeur de saint Pierre, à qui le Christ aurait confié la mission de diriger l’Église, le pape est le guide spirituel des plus de 1,4 milliard de catholiques dans le monde entier. Son rôle est de préserver et d’enseigner la foi chrétienned’interpréter l’Évangile et de veiller à l’unité de l’Église ;

  • Chef d’État :

Le pape a le statut de chef d’État et dirige la Cité du Vatican, État indépendant enclavé au coeur de Rome. A ce titre, il y exerce les pouvoirs absolus (exécutif, législatif, judiciaire). Il reçoit également les chefs d’État et de gouvernement au Vatican. Ces rendez-vous à huis clos, appelés « audiences privées », permettent d’échanger sur les sujets d’actualité ou de faire valoir les positions du Saint-Siège, entité souveraine dans le droit international ;

  • Doctrine et enseignement :

Le pape rédige des documents (encycliquesexhortations apostoliquesmotu proprio…) sur les questions doctrinales et morales afin de guider les fidèles, donner des orientations ou acter des réformes ;

  • Nominations :

Le pape donne son feu vert à la nomination des évêques, à la tête des diocèses du monde entier (actuellement au nombre de 3.000 environ). Il crée également des cardinaux, dont ceux âgés de moins de 80 ans seront un jour appelés à élire son successeur. Il a également le dernier mot pour élever au rang de « bienheureux » ou de « saints » des figures de l’Église catholique, au terme d’un « procès » instruit pour des miracles et vertus. Il a également le pouvoir de convoquer des Synodes (réunion mondiale de laïcs et religieux) pour discuter de sujets précis ;

  • Voyager

Le pape voyage pour se rendre au contact des fidèles aux quatre coins de la planète. Répondant aux invitations officielles des chefs d’État, le pape effectue ainsi des visites officielles, appelées « apostoliques ». Ces déplacements sont l’occasion de renouveler ses appels à la paix, au dialogue interreligieux, au respect des droits de l’Homme et à la justice sociale, des déclarations qui font office de position morale très relayées dans le monde ;

  • Évêque de Rome

En tant qu’évêque de Rome, le pape est chargé d’administrer son diocèse. En raison de ses autres responsabilités, cette charge est déléguée de facto à un vicaire général. Le pape participe toutefois à la vie de l’Église locale, en se rendant régulièrement dans les églises de la capitale italienne pour des célébrations, ou dans d’autres lieux symboliques de la ville chaque année, comme le Chemin de Croix au Colisée le Vendredi Saint ou la fête de l’Immaculée Conception près de la place d’Espagne le 8 décembre.

Place au Conclave

L’imposante basilique Saint-Pierre, la plus grande église du monde, accueillera la messe précédant le conclave, présidée par le cardinal doyen. 

Des réunions, appelées Congrégations générales, précéderont le conclave, à l’abri des regards, permettant ainsi aux cardinaux d’échanger, de mieux se connaître et de s’accorder sur les priorités du prochain pontificat.

Ensuite, 135 cardinaux, âgés en moyenne de 70 ans et majoritairement nommés par le pape François, se réuniront en conclave (du latin « cum » -avec- et « clave » -clé-, littéralement « endroit fermé à clé ») pour élire son successeur, avec une représentation européenne, et particulièrement italienne, toujours forte mais en baisse.

La constitution apostolique, promulguée en 1996 par Jean Paul II et modifiée par Benoît XVI, est la une Constitution fixant les principales modalités du scrutin.

L’âge limite pour être convoqué au conclave étant de 80 ans, 117 cardinaux ne prendront pas part à l’élection du prochain souverain pontife, qui devrait se tenir début mai. Parmi les cardinaux-électeurs, ceux du Vieux Continent seront les plus nombreux dans la Chapelle Sixtine, avec 53 représentants, soit 39% des électeurs. En 2013, lors du conclave ayant abouti à l’élection du pape François, les cardinaux européens étaient 60 sur 115 (52%). Après les Européens, suivent les cardinaux asiatiques (23), sud et centraméricains (21), africains (18), nord-américains (16) et océaniens (4), selon les chiffres du Saint-Siège.

L’Italie sera à nouveau le pays le plus représenté dans la délibération, avec 17 participants, un nombre toutefois en baisse par rapport à celui de 28 en 2013. Les États-Unis (10) et le Brésil (7) complètent le podium des pays comptant le plus de cardinaux participant au conclave. La France et l’Espagne en comptent cinq chacun. Pays natal du défunt pape François, l’Argentine aura quatre représentants, tout comme le Canada, l’Inde, la Pologne et le Portugal. La Côte d’Ivoire, avec deux cardinaux-électeurs, sera le seul pays africain à avoir plus d’un cardinal au conclave.

À la liste des 70 pays représentés s’ajoute Jérusalem, d’où se déplacera le patriarche italien de la Ville sainte, Pierbattista Pizzaballa, qui a eu 60 ans lundi. Son doyen est actuellement Carlos Osoro Sierra, nommé archevêque de Madrid (Espagne) en 2014 par le pape François. Il aura 80 ans le 16 mai. Son benjamin est l’archevêque de Melbourne (Australie), Mykola Bychok, âgé de 45 ans, 2 mois et 69 jours, élevé à la pourpre cardinalice par le dernier pontife en décembre.

Au total, sur les 135 cardinaux convoqués au conclave, 108 ont été élevés à ce rang par le pape François : 40 en Europe20 en Asie19 en Amérique centrale et du sud15 en Afrique10 en Amérique du Nord et 4 en Océanie. Benoît XVI en avait désigné 22, et Jean-Paul II, 5.

Juste après avoir accepté sa charge, le pape à peine élu s’isolera dans une toute petite pièce attenante à la Chapelle Sixtine, la Chambre des Larmes, pour laisser libre cours à son émotion face à l’ampleur de la mission qui l’attend.

Avant sa première apparition à la loggia de la basilique Saint-Pierre, l’Église annonce au monde qu’elle à un nouveau pape, par la formule : « Habemus papam » (« nous avons un pape »). C’est au cardinal français Dominique Mamberti, au titre de protodiacre, que reviendra cette tâche.

Le prénom, « Nomen », sera choisi le nouvel élu, généralement en hommage à un ancien pape duquel il se sent proche avec l’ajout d’un chiffre romain de son ordre de succession.

Au terme de l’élection, le camerlingue passera un nouvel anneau du pêcheur au doigt du pape. C’est l’anneau du pape, l’un des symboles forts du pouvoir pontifical qui servait autrefois à sceller les documents, est rendu inutilisable après chaque pape. 

Le 267ème pape :

Face au rétrécissement du périmètre du nombre de fidèle, les difficultés financières et la forte hausse du nombre de conflits et zones de tension (Soudan du Sud, Afrique de l’Ouest, Yémen, conflit Israël-Palestine, Ukraine, Haïti, Venezuela, guerre commerciale, Équateur, Mer méridionale de Chine, Guyana, Éthiopie-Somalie, Cachemire, Syrie, Libye…), le 267ème pape aura-t-il une profondeur d’analyse stratégique, une savoir-faire diplomatique, la patience, l’énergie et la jeunesse pour avoir la capacité à influencer les affaires du monde et tendre vers l’un des objectifs essentiels du Vatican depuis l’ère moderne : la PAIX ?

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