
[REFLEXION] Face à l’urgence de relancer les naissances, la Chine encourage les mariages.
Face à l’urgence démographique, la Chine encourage les mariages dans le cadre d’une politique publique nationale visant à enrayer une transition démographique à fort impact géopolitique.
Pour freiner la décroissance démographique et ses conséquences sur la stabilité socio-économique, Pékin décide de simplifier l’enregistrement des mariages et de réduire la pression économique pesant sur les jeunes couples. Ces mesures s’inscrivent dans une approche holistique de gouvernance, visant à stimuler la natalité, enjeu central dans la compétitivité internationale de la Chine.
Pourquoi une telle mesure en 2025 ?
La population chinoise aurait atteint son pic structurel à 1,410 milliard d’habitants en 2024, marquant un tournant dans son équilibre démographique.
La relance de la population passe par la relance du contrat social traditionnel qu’est le mariage. Or, dans une société où la norme socioculturelle interdit les naissances hors mariage, la chute de plus de 20 % des mariages en 2024 confirme une tendance lourde de déclin démographique, avec des répercussions sur la durabilité du modèle économique.
Sans inflexion, les effets seraient considérables sur la population active, la sécurité sociale, le système de retraite, la croissance économique, et l’influence régionale. Le PIB par habitant pourrait certes augmenter mécaniquement, mais sur fond de rétraction démographique, sapant les fondements du soft power chinois, et sa puissance mondiale.
Le Parti communiste chinois (PCC) a mis en œuvre un arsenal de politiques incitatives : subventions natalistes, développement d’infrastructures de garde d’enfants, mobilité administrative assouplie (fin de l’enregistrement lié à l’état civil), autant d’outils de planification sociale visant à répondre aux déséquilibres territoriaux et aux dynamiques de mobilité interne.
Le ministère des Affaires civiles s’attaque aussi aux inégalités sociales générées par les dots et le coût exorbitant des cérémonies. Il s’agit ici de répondre à un enjeu de cohésion nationale, dans un contexte où la jeunesse urbaine exprime de plus en plus ouvertement son mécontentement sur les réseaux sociaux, nouvelle arène du débat public en Chine.
Obstacles persistants
La Chine fait face à des verrous structurels : coût du logement, inégalités d’accès à l’éducation, marché du travail tendu, cours privés onéreux, autant de facteurs dissuasifs pour les jeunes ménages dans un contexte de précarisation et d’incertitudes croissantes.
Échecs antérieurs
Les politiques antérieures – fin de la politique de l’enfant unique (2015), lancement de la politique des trois enfants (2021) – n’ont pas suffi. Le 7e recensement national (2020) et les projections démographiques de l’ONU pour 2050 illustrent un déclassement progressif, comparable à celui observé au Japon, devenu un laboratoire du vieillissement démographique mondial.
Cette crise démographique entre en contradiction avec les ambitions géostratégiques de Xi Jinping, dont le projet des Nouvelles Routes de la Soie (BRI) vise à repositionner la Chine comme centre de gravité du système international.
L’arbre qui cache la forêt
La natalité est le défi systémique qui en dissimule bien d’autres : la capacité à assurer une montée en gamme industrielle, à soutenir une économie de la connaissance, à maintenir la compétitivité des services, la productivité, et la soutenabilité budgétaire des politiques publiques. En toile de fond, se dessinent les enjeux de puissance, de souveraineté démographique et de résilience nationale.
L’interventionnisme étatique, illustré par la tentative de frein au divorce en 2023, a généré une contestation massive sur les réseaux sociaux, révélant une jeunesse urbaine de plus en plus politique, connectée, et critique face à l’autoritarisme institutionnel.
Sur le terrain, les freins à l’engagement familial s’accumulent : précarité de la jeunesse diplômée, coût du logement dans les mégapoles, inflation, les ressources financières nécessaires pour se lancer dans une vie à deux, puis trois, stress professionnel, et un taux de chômage des jeunes qui dépasse 15 %… autant de sujets qui n’étaient pas revendiqués sur la génération précédente.
Dans ce contexte, la main-d’œuvre, jadis abondante et bon marché, devient une ressource stratégique rare et de plus en plus coûteuse, remettant en cause les fondements du modèle de développement chinois.
Sans réponse structurelle à cette crise démographique multidimensionnelle, les ambitions géostratégiques de Xi Jinping – qu’il s’agisse de la projection de puissance, de l’autonomie technologique ou de l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie – risquent d’être profondément contrariées.